Les origines de la naturopathie :
d’Hippocrate à Marchesseau

La naturopathie ne relève pas d’un phénomène de mode, ni d’un nouveau courant médical. Elle puise ses racines dans l’antiquité, notamment avec Hippocrate (4ème siècle avant JC).

Pour mieux connaître la naturopathie, tant dans sa philosophie que dans ses techniques, je vous propose un tour d’horizon : ses origines, ses grands principes fondateurs, ses techniques, son positionnement par rapport à l’allopathie (la médecine officielle) et les médecines douces (homéopathie, etc.) 

 

Définitions de la naturopathie

Le terme de « Naturopathie » a été inventé autour de 1900 et tire son origine des mots anglais NATURE et PATH (« le chemin »). Ainsi la NATUROPATHY peut se traduire par « le chemin de la nature » ou encore « la voie naturelle ».

En France, Pierre Valentin Marchesseau, fer de lance de la naturopathie dans les années 1935/1940, apporte une nuance intéressante à partir des termes grecs NATURA et PATHOS (« ce que l’on ressent »). La NATUROPATHIE peut ainsi être vue comme « le ressenti de ce qui est naturel ». Il en découle cette définition simple :

« la naturopathie est la synthèse des méthodes naturelles de santé ».

Quelques autres définitions de référence :

« La naturopathie, fondée sur le principe de l’énergie vitale de l’organisme, rassemble les pratiques issues de la tradition occidentale et repose sur les dix agents naturels de santé (alimentation, exercice, hydrologie, plantes, réflexe, lumière, psychologie, …). Elle vise à préserver et optimiser la santé globale de l’individu, sa qualité de vie, ainsi qu’à permettre à l’organisme de s’auto-régénérer par des moyens naturels. » Définition FENAHMAN, 2005

« La Naturopathie est un ensemble de pratiques visant à aider l’organisme à guérir de lui-même, par des moyens exclusivement naturels. Elle repose sur une théorie selon laquelle la force vitale de l’organisme permet à celui-ci de se défendre et de guérir spontanément. Elle consiste donc à renforcer les réactions de défense de l’organisme par des mesures d’hygiène (alimentation, massages, relaxation, etc.), aidées par les seuls agents naturels (plantes, eaux, air, etc.), un traitement médical ne devant intervenir qu’en cas d’urgence ». Dictionnaire Larousse Médical, 2007

 

Hippocrate, père de la médecine officielle…et de la naturopathie

hippocrates

Hippocrate, médecin grec le plus célèbre de l’antiquité (- 460 à – 377 av. JC), est considéré comme le père de la médecine traditionnelle occidentale.

On lui doit de nombreux écrits comme bien sûr le fameux « serment d’Hippocrate » qui décrit l’essentiel des devoirs du médecin à l’égard de son patient. Bien que le serment soit aujourd’hui rarement utilisé sous sa forme originale, il a inspiré d’autres serments similaires qui sont aujourd’hui prononcés par les jeunes diplômés en médecine.

Parmi ces principes fondateurs, on retrouve déjà toutes les bases de la naturopathie moderne :

 

La théorie des humeurs

L’école hippocratique s’inspirait de l’antique théorie des quatre éléments primordiaux qui constituent la matière : la terre, l’eau, l’air et le feu. Selon cette école le corps humain, conçu à l’image de l’univers, contient aussi ces quatre principes, sous forme d’humeurs : le sang, la lymphe (ou le phlegme), la bile jaune, la bile noire (ou atrabile). Ces humeurs contiennent des qualités essentielles : chaud, froid, sec ou humide. La santé résulte d’un bon équilibre des humeurs, alors que la maladie résulte d’éléments en excès ou en défaut. D’où l’expression « être de bonne humeur ».

Dans la consultation naturopathique, la détermination de l’humeur prédominante de la personne, c’est-à-dire son tempérament, est un des éléments du Bilan de Vitalité . On distingue ainsi 4 profils type : le Sanguin, le Lymphatique, le Bilieux, le Nerveux. Les conseils naturopathiques seront adaptés au tempérament, en termes d’alimentation, d’hydrologie (utilisation d’eau chaude ou froide), choix du type de cure, accompagnement neuro-affectif, etc…

 

Le concept de l’énergie vitale

Hippocrate s’appuyait sur la présence, dans tout être vivant, d’une énergie vitale, garante de tous les mécanismes de régénération de l’organisme. En naturopathie on parlerait de « force d’auto-guérison » ou encore de « médecin intérieur ».

Citons Hippocrate : « Les corps des hommes et de tous les animaux se nourrissent de trois sortes de choses : d’aliments, de boissons et de force vitale (ou pneuma). La force vitale se nomme souffle vital. Elle est la plus puissante force de cohésion et d’action de tout ce qui existe. Elle n’est absente de rien ; on la retrouve dans tout. Elle donne la vie aux hommes et établit les défenses naturelles dans les maladies ».

 

L’importance de l’hygiène de vie

Hippocrate invite chacun à trouver, de manière individuelle (car chacun est unique), la juste proportion entre l’exercice et l’alimentation. Il considère également l’importance d’un environnement sain pour prévenir la maladie : l’habitat, le climat, l’action du soleil, la nature du terrain, les cours d’eau etc.,

Citons à nouveau Hippocrate : « Par nature, les exercices physiques dépensent l’énergie disponible ; les aliments et les boissons, eux compensent les pertes. Il importe de discerner la proportion des exercices à l’égard de la quantité d’aliments, de la nature du patient, de son âge, des saisons de l’année, des changements de vents, de la situation des lieux où il vit, de la constitution de l’année ».

 

La relation thérapeute-patient

L’originalité de la parole hippocratique est d’engager un dialogue avec le malade, de l’interroger, de l’écouter. Les réponses du malade favorisent la justesse du diagnostic, aident à s’assurer de l’application correcte d’un traitement.
Cette phase de questions-réponses est au cœur de la consultation de naturopathie : c’est l’Anamnèse.

De plus, à l’époque d’Hippocrate, le médecin observe son patient, toutes les parties du corps, les gestes et l’allure de celui-ci ; il examine l’urine, les selles, les crachats. Il vérifie la température de la peau. Il écoute la respiration du patient.
En naturopathie, nous nous basons également sur une série d’observables (morphopsychologie, iridologie, pulsologie, chaleur, aspect et couleur de la peau, etc.) afin d’établir le Bilan de Vitalité, qui renseigne sur l’état de la force vitale du consultant. Cette information permet de choisir la stratégie santé la plus appropriée pour tel consultant, à tel moment de son parcours : réglage alimentaire, cure, exercice physique adapté à son âge et son état de forme, bains chauds ou froids, plantes drainantes ou bien revitalisantes, etc…

On pourrait retenir encore beaucoup de principes de l’enseignement d’Hippocrate.  Citons les plus incontournables, qui sont rigoureusement respectés en naturopathie :

« Primum non nocere »  qui signifie «avant tout, ne pas nuire » : la mission du thérapeute consiste, dans l’exercice de son art, à ne pas induire par son traitement des effets secondaires indésirables, voire délétères.

« Que ton aliment soit ton premier remède » : Hippocrate professait l’importance capitale de l’alimentation comme moyen thérapeutique. En ce sens, il peut être considéré comme le père de la diététique occidentale.

Importance de l’exercice physique, qui permet de faire circuler les humeurs et de maintenir un bon équilibre général, tant sur le plan corporel que sur le plan émotionnel et mental.

Collaboration entre le patient et le thérapeute : la personne malade ne doit pas « subir » le traitement de façon passive en se contentant d’avaler le remède prescrit, mais doit au contraire assumer une part active dans le processus thérapeutique, se remettre en question, par exemple en modifiant sa façon de manger, faire plus d’exercice, peut être aussi en revoyant sa façon de penser, en faisant un travail sur soi (comme nous dirions de nos jours !) pour éliminer ses sentiments négatifs, etc…

Ainsi, l’approche d’Hippocrate s’avère-t-elle particulièrement moderne : il aborde le patient de manière holistique, en tenant compte de sa constitution et de sa force vitale, de ses émotions et ses raisonnements, il tient compte de l’influence de la société et de l’environnement du patient, et il ne sépare jamais le corps et l’esprit.

 

Petit historique de la naturopathie

Aujourd’hui l’OMS reconnaît 3 médecines traditionnelles dans le monde :

La médecine traditionnelle chinoise

La médecine ayurvédique (Inde)

La médecine traditionnelle occidentale, dont la naturopathie est l’héritière.

Les hygiénistes nord-américains

Même si Hippocrate peut être considéré comme le père de la naturopathie, la première école officielle a été fondée en 1902 à New York par Benedict Lust, un immigrant allemand, qui inventa avec John Scheel le mot « naturopathie ».

L’hygiène de vie étant au cœur de cette pratique, on parlait alors d’ »hygiénisme », qui a regroupé aux USA de nombreux praticiens de renom : John Tilden (créa le terme de « toxémie » et insiste sur l’importance des cures et du drainage des surcharges), Henri Lindlhar, Bernard Mc Fadden (homéopathe, lança des magasins bio et des centres de remise en forme, Dewey (mit l’accent sur les bienfaits du jeune), Howard Hay puis Bernard Shelton (régime dissocié, incompatibilités alimentaires), John Harvey Kellog (associa l’hydrothérapie à l’électrothérapie), Daniel David Palmer (père de la chiropraxie), Andrew Still (ostéopathe), etc…

Les fondateurs européens de la naturopathie

Contrairement aux USA où il y avait une certaine « unité », l’approche naturopathique en Europe connait une plus grande diversité, selon les sensibilités propres à chaque pays. Citons notamment, selon leurs spécialités :

Nutrition : Paul Carton (son ouvrage « L’essentiel de la doctrine d’Hippocrate a énormément influencé l’école française au début du 20ème siècle), Arthur Menheim (inventeur du papier MONO pour une cuisson « enveloppée » qui préserve saveurs et propriétés des aliments)

Hydrothérapie : Vincent Priessnitz (pionnier de l’hydrothérapie froide), Louis Kuhne (père des bains de siège), Dr Salmanoff (pionnier des bains hyper thermiques pour la régénérescence du réseau capillaire), Sebastian Kneipp (s’est inspiré des travaux de Priessnitz et combiné l’usage des plantes à l’hydrothérapie froide).

Phytothérapie : Dr Henri Leclerc (le premier à faire de vraies recherches cliniques et méthodiques sur les plantes, depuis le Moyen Age et Hildegarde de Bingen), René-Maurice Gattefossé (fondateur de l’aromathérapie), Jean Valnet (spécialiste des huiles essentielles), Pierre Franchomme et Daniel Penoël (chefs de file de la nouvelle aromathérapie avec la découverte des chémotypes).

Réflexologie : Georgia Knap, Henri Jarricot (massage des points réflexe qui portent leur noms, Paul Nogier (fondateur de l’auriculothérapie, dessina une cartographie des points réflexe de l’oreille), etc…

En France, la naturopathie s’est particulièrement développée avec l’œuvre de Pierre Valentin Marchesseau (1911-1994) : il a réalisé en 1935 une synthèse des méthodes naturopathiques, et a formé dans la seconde moitié du 20ème siècle, la plupart des grands noms français de la naturopathie et fondateurs des écoles les plus réputées.

Pour davantage d'explications sur la place de la naturopathie, c'est dans mon article : Naturopathie, Homéopathie, Allopathie : différences et complémentarité